Guy Hugot-Derville
Le parcours de guerre du capitaine Guy Hugot-Derville de la Brigade Marocaine
En 1914, en Bretagne, à Lanriec, René Hugot-Derville, colonel d’infanterie est maintenant à la retraite. Il a cinq enfants, dont quatre fils ; trois par tradition ont choisi la carrière militaire.
Guy, l'ainé a 33 ans, Georges 30 ans, René 28 ans et Alfred 25 ans, au moment de partir au front. Alfred sera le seul rescapé de cette fratrie…
Ses trois frères, Guy, Georges et René vont tomber au combat.
A l’exemple de leur père et de leur grand-père, ils seront tous décorés de la Légion d’Honneur, hélas pour Georges et René, à titre posthume…
Le 26 octobre 1900, à Nancy, à 19 ans, Guy alors étudiant, s'est engagé et a été admis à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr (85e promotion du Tchad).
Dès 1902, il est sous-lieutenant au 112e régiment d’infanterie de Toulon. Deux ans plus tard, il est nommé lieutenant.
En 1905, il fait partie de la mission militaire au Maroc, dans le 2e régiment de tirailleurs.
A partir de 1907, le Maroc sera sous tutelle et en 1912 officiellement sous protectorat français.
En 1912, il reçoit la médaille de l’Ordre du Nichan-Hafidien (ordre fondé en 1910 par Mouley-Hafid, Sultan du Maroc). Il est également décoré de la Médaille du Maroc (agrafe Casablanca).
La même année, il est affecté à l’encadrement du 2e bataillon des troupes chérifiennes, le capitaine Jacques de Richard d’Ivry commande ce bataillon.
Au cours de l’une de ses nombreuses campagnes, en Algérie et au Maroc, il est blessé au ventre par une balle ennemie, fort heureusement la balle a été détournée par son revolver, qui lui occasionne une autre blessure moindre, celle-ci, de l’index gauche.
Le 31 décembre 1912, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.
Le parcours de guerre du capitaine Guy Hugot-Derville au 5e bataillon du 1er Régiment de la Brigade de Chasseurs Indigènes :
- 13 août 1914 : Maroc, embarquement des troupes.
- 16 août : arrivée au port de Sète, puis par le train, direction Bordeaux, stationnement de quelques jours et ensuite le camp militaire de Châlons-en-Champagne.
- 25 août : le général Ditte rejoint, et prend le commandement de la Brigade de Chasseurs Indigènes.et embarquement en train de Châlons-en-Champagne, direction Amiens, dans la Somme. Ce même jour, dans l’après-midi, en Lorraine, son frère Georges du 15e R.I est tué, à l’attaque de Rozelieures. Son autre frère Alfred, du 4e Dragons, combattait aussi, sur le même objectif !
- À partir du 29 août : retraite d’Amiens, vers Paris.
- Le 4 septembre, au soir, la Brigade marocaine qui fait partie de la 6e Armée Maunoury, est stationnée à 33 km à l’Est de Paris et cantonne à Saint-Mesmes (Seine-et-Marne).
- Le 5 septembre 1914 :
11h30 : marche de 11 km, direction Est de Neufmontiers, objectif : la vallée de l’Ourcq
15h30 : En tentant de contourner le bois du Télégraphe, en direction de Penchard, au cours des violents combats, face aux mitrailleuses allemandes, le combat atteint son paroxysme.
Dans cette offensive à outrance, sans appui d’artillerie ni de mitrailleuses, les tirailleurs marocains subissent d’énormes pertes ! L’assaut sur Penchard et le bois du Télégraphe a échoué, c’est la retraite forcée.
Les rescapés de la Brigade Marocaine doivent se replier sur Villeroy et Charny.
Sur le terrain c’est un véritable massacre : chez les officiers 9 tués et 18 blessés et 1.150 hommes tués, blessés ou disparus ! !
Guy Hugot-Derville trouve la mort, 11 jours après son jeune frère Georges…
L'attaque du bois du Télégraphe
par Josèphe Roussel-Lépine, « Les champs de L’Ourcq »
(Livre écrit de mai 1916 à mai 1917)
L'ordre de l'assaut parvient d’abord à la brigade marocaine.
Cet ordre surprend les officiers en plein déjeuner.
Joyeusement ils s’élancent et partent à l’assaut du bois du Télégraphe (la cote 164) comme sous le soleil d'Afrique : les officiers à cheval, drapés dans leurs superbes uniformes, les lieutenants, le sabre haut dans leurs mains gantées, debout sous les balles, excitant les hommes qui bondissent autour d’eux en farouches démons du désert.
La panique a pris les Allemands. Ils fuient dans les coupeaux.
À leur suite les Marocains s'engagent, fous de cette chasse à courre à travers bois.
Mais leurs officiers tombent : c’est le lieutenant Clément (grièvement blessé, un de ses soldats l’emporte sur son dos), ce sont les lieutenants Gautier et Guillemette, et Laulanié de Sainte-Croix (qui reste mortellement atteint sur la luzerne), ce sont les adjudants Huchet et Chartier...
N'importe, ceux qui restent poursuivent avec acharnement.
Le capitaine Hugot-Derville se jette à la tête de ses hommes, à travers les taillis.
Il monte sous les grands bouleaux et les châtaigniers.
Des éclairs partent, et le capitaine s’abat...
Le sergent Coillot s’élance pour le soutenir, plusieurs balles l’'étendent raide.
Leur petite troupe tiraille à travers les feuilles sur l’invisible agresseur, et, tandis que les uns se lancent à la poursuite dans les fourrés, les autres descendent leur capitaine et le déposent sur l’herbe, à l’orée du bois.
Il est 5 heures.
L’ennemi ne tient plus le bois.
Mais ces trois heures de lutte ont anéanti les Marocains.
Combien reste-t-il d'officiers pour les conduire ?
Lieutenants, sergents et capitaines agonisent à l'abri des arbres ou dorment leur dernier sommeil.
Le Maréchal Juin (1888-1967) alors jeune lieutenant qui combat au bois de Penchard, raconte dans son livre « La Brigade Marocaine à la bataille de la Marne » (1964 Presses de la Cité) :
Autre héros, le capitaine Hugot Derville, commandant la 5e compagnie, que nous découvrîmes le lendemain au sommet du bois de Penchard.
Son cheval abattu et lui-même, blessé, ne pouvant plus se déplacer, il avait attendu les Allemands, revolver au poing.
Il avait fini par succomber, atteint de plusieurs balles.
On eut de la peine, avec le capitaine Rogerie, à lui enlever les gants de suède qui recouvraient ses mains gonflées par ses blessures.
Sous l'un d'eux était une chevalière que nous envoyâmes sur-le-champ à Mgr Marbeau, évêque de Meaux, qui était son parent.
Ndlr : Monseigneur Emmanuel Marbeau qui n’était en fait pas un parent, remettra plus tard, la chevalière du capitaine, à la famille Hugot-Derville.